Paysages

Il y était une fois à Toulinguet

La coque de Toulinguet (Twillingate), Terre-Neuve

Sur la côte escarpée de Terre-Neuve, dans l’air salin chargé de mémoire, repose une vieille doris, usée par le temps, abandonnée à la rive comme un marin à la retraite. Sa proue demeure tournée vers la mer — fidèle à l’horizon qu’elle ne rejoindra plus.

Ses planches écaillées, blanchies par le vent et le sel, racontent en silence des jours de travail acharné : la houle, les filets lourds, les matins sans fin. Chaque fente, chaque clou rouillé est une cicatrice d’histoires oubliées, enfouies dans le bois comme des souvenirs trop longtemps tus.

Là, dans la tendresse de l’herbe haute et des fleurs sauvages, la doris devenue vestige murmure encore. Si l’on tend l’oreille, on pourrait croire entendre le chant du large, les cris des goélands, le grincement des avirons…

Elle n’est plus navire — elle est témoin. Un poème échoué. Une élégie de bois, qui célèbre sans mots un mode de vie disparu, et qui, dans sa lente désintégration, nous offre la beauté tranquille de ce qui fut.